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Le bal des vampires (Grande-Bretagne, 1967) Titre original: Dance of the vampires ou The Fearless Vampire Killers Réalisation: Roman Polanski Scénario: Gérard Brach et Roman Polanski Adaptation en anglais : Gillian & John Sutro. Production : Gene Gutowski. Producteur délégué : Martin Ransohoff. Lieux de tournage : Studios MGM, Elstree, Pinewood (GB) et Ortisei (Italie). Technique : 35 mm. 2. 35. Panavision. Metrocolor. Couleurs. Sonore. Assistant-réalisateur : Roy Stevens. Image : Douglas Slocombe. Caméra : Chic Watterson. Directeur artistique : Fred Carter. Décor : Wilfrid Shingleton. Maquillage : Tom Smith. Coiffures : Biddy Chrystal. Costumes : Sophie Devine. Chorégraphie : Tutte Lemkow (cascades : Hans Möllinger). Générique : André François. Son : Système Westrex. Montage : Alastair MacIntyre. Montage son : Lionel Shilton). Musique : Christopher Komeda. Durée : 1h 47. Sortie : 13 novembre 1967 (USA), Janvier 1968 (France). Budget : 2 millions de dollars. Durée: 107 minutes Interprétation : Jack Gowran (professeur Abronsius), Roman Polanski (Alfred), Sharon Tate (Sarah), Alfie Bass (Shagal, l'aubergiste), Ferdy Maine (Comte von Krolock), Terry Downess (Koukol, le bossu), Fiona Lewis (Magda, la servante), Iain Guarrier (Herbert, le fils du Comte), Jessie Robins (Rebecca, la femme de l'aubergiste), Ronald Lacey (l'idiot du village), Sydney Bromley (le conducteur de traîneau), André Malandrinos, Otto Diamant & Matthew Walters (les bûcherons). Le sujet Le professeur Abronsius, chasseur de vampires, se rend dans un coin isolé de Transylvanie avec son assistant Alfred. Or la région est hantée par le comte Von Krolock, un vampire justement, qui réside dans un sinistre château... La critique Après Repulsion (1965), qui est un succès commercial et critique, Polanski tourne à nouveau en Grande-Bretagne Cul-de-sac (1966) avec Donald Pleasance et Françoise Dorléac : un couple vivant dans une maison isolée subit l'intrusion d'un gangster en fuite dans leur demeure. Le public ne suit pas, mais cette oeuvre conforte la réputation de Polanski auprès de la critique : il reçoit ainsi pour l'Ours d'Or du Festival de Berlin. Il écrit ensuite avec son complice-scénariste Gérard Brach une parodie des films de vampires de la compagnie Hammer, alors très en vogue, que les deux amis allaient voir autant pour frissonner que pour se moquer lorsque Polanski résidait à Paris, au cours de la première moitié des années 1960. Le projet est à nouveau soutenu par le producteur d'origine polonaise Gene Gutowski, comme Repulsion et Cul-de-sac. Mais Polanski bénéficie aussi du confort matériel apporté par les infrastructures que la MGM détenait alors en Grande-Bretagne ; en effet, le producteur Martin Ransohoff, qui oeuvre pour cette firme américaine, s'associe à ce film : Le bal des vampires. Le tournage se déroule entre Londres (studio) et l'Italie (pour les extérieurs alpins). Le rôle du professeur Abronsius est tenu par Jack MacGowran (L'homme tranquille (1952) de John Ford, L'exorciste (1973) au cours du tournage duquel il décéda...), tandis que Polanski prend le rôle d'Alfred. Sharon Tate, qui interprète Sarah Shagal, a été imposée par les producteurs américains à Polanski (ils se marieront toutefois en janvier 1968). Le bal des vampires reprend un schéma très classique du film de vampires, assez proche de certaines œuvres de la Hammer, telles Les maîtresses de Dracula (1960) ou Dracula, prince des ténèbres (1966) de Terence Fisher. Un chasseur de vampire, le docteur Abronsius, et son assistant se rendent dans une région repoussée de la Transylvanie. Une fois arrivée à l'auberge locale, ils se heurtent à une populace de paysans superstitieux qui refusent de leur avouer que le pays est hanté par le comte Von Krolock, un redoutable vampire logeant dans son sinistre château au cœur de la forêt. Abronsius découvre néanmoins la cache de ce monstre, et rentre dans le château du comte, qui les accueille courtoisement... Bref, rien ne manque pour faire un film de vampires des plus classiques : auberge, forêt montagneuse, château... Les décors, réalisés ici par Wilfred Shingleton (La reine africaine (1959) de John Huston, Les innocents (1961) de Jack Clayton...) sont absolument magnifiques, et on peut même trouver le vaste château du comte Von Krolock encore plus réussi que le plus beau château gothique de la Hammer. Plus que l'ambiance effrayante des décors de la Hammer, Polanski cherche à capturer une atmosphère de conte de fée, où l'horreur se mêlerait au merveilleux afin d'évoquer un lieu fantastique et enchanteur. Afin d'élaborer certaines ambiances du film, il s'inspire aussi de ses souvenirs d'enfance, aussi bien la région de Cracovie que des descriptions repérées dans la littérature polonaise. Ainsi, la l'auberge tenue par le juif Shagal grouille de détails pittoresques auxquels les films de vampire Hammer se refusaient en général : on ne note pas particulièrement d'exotisme liée à l'Europe centrale dans, par exemple, la Transylvanie de Le cauchemar de Dracula (1958). Polanski donne aussi un indice concernant ses sources d'inspiration en nommant son aubergiste Shagal, en référence au peintre russe Marc Chagall, qui s'inspirait beaucoup du folklore juif de son pays pour ses tableaux. Le bal des vampires est avant tout connu pour être une parodie, un pastiche irrespectueux des très sérieux films d'épouvante de la Hammer. Et il faut dire que Polanski n'y va pas avec le dos de la cuiller. Vampire homosexuel courant après Alfred dans les couloirs d'un château, situations vaudevillesques s'étirant dans l'auberge... La farce est souvent énorme, parfois salace, et les poursuites se font au même rythme que celles du cinéma burlesque. Les gags sont pourtant indéniablement très efficaces, notamment grâce à d'excellents interprètes, tels Jack MacGowran, et surtout Alfie Bass dans le rôle de Shagal. Le rire est provoqué aussi, et surtout, aux dépends des productions Hammer, dont Polanski s'inspire largement. Ferdy Mayne incarne un vampire dans la plus pure tradition de Christopher Lee (Le cauchemar de Dracula...), tandis que son fils évoque un autre vampire célèbre mis en scène par cette firme anglaise : le baron Meinster incarné par John Peel dans Les maîtresses de Dracula. Abronsius est une version cinoque de l'inflexible et rigoureux Van Helsing interprété par Peter Cushing dans Le cauchemar de Dracula et Les maîtresses de Dracula. Le nom de la ville Karlsboerg renvoie à Karlstaad (dans laquelle se déroule certains passages de, entre autres, L'empreinte de Frankenstein (1964) de Freddie Francis...) ; le sang gicle rouge vif, comme dans Dracula, prince des ténèbres (1968) ; les épées placées en croix pour freiner les vampires renvoient aux chandeliers de Le cauchemar de Dracula ; la bibliothèque ressemble beaucoup à celle qui accueille le dénouement de Le cauchemar de Dracula, avec son globe terrestre... Polanski connaît ses classiques et les détourne avec une impertinence qui lui a parfois été reproché par certains amateurs de fantastique. Pourtant, au-delà de la raillerie, Polanski sait habilement utiliser certains points forts des films de la Hammer pour les transcender : la structure très classique du récit ; la photographie rouge et or de Jack Asher pour Le cauchemar de Dracula ; le raffinement des décors de Bernard Robinson... Tout cela est encore mis en valeur par la technique toujours très maîtrisée de Polanski et son sens inné du fantastique, ainsi que par l'excellente musique composée Christopher Komeda (Le couteau dans l'eau (1962) et Rosemary's baby (1968) de Polanski...). On assiste ainsi à d'authentiques moments de poésie fantastique et merveilleuse : l'enlèvement de Sarah par le comte Von Krolock, le réveil des morts-vivants, le bal des vampires, les excursions à ski et en traîneau dans les montagnes, les expéditions périlleuses sur le toit du château... Pourtant, il faut reconnaître que la plaisanterie a peut-être tendance à se traîner un peu trop, et le film est parfois légèrement longuet. Le bal des vampires reste une indéniable réussite dans la carrière de son réalisateur, ainsi qu'une oeuvre chère aux amateurs de films de vampires. Pourtant, Martin Ransohoff va beaucoup modifier son montage pour sa sortie aux USA, en en retirant vingt minutes malgré les protestations de Polanski. Même en Europe (France et Grande-Bretagne), le film perd dix minutes. Il sera toutefois bien accueilli par le public, sauf aux USA où il fait un flop. Le producteur Robert Evans va ensuite contacter Polanski afin qu'il réalise une adaptation d'un roman d'épouvante aux États-Unis pour le compte de la compagnie Paramount : ce sera le classique Rosemary's baby. Le bal des vampires va aussi correspondre chronologiquement avec une certaine apogée commerciale du film d'épouvante britannique : la Hammer va se remettre à produire abondamment des films de vampires à partir de Dracula et les femmes (1968), avec notamment de nombreux nouveaux Dracula (Une messe pour Dracula (1970) de Peter Sasdy...), mais aussi toute une gamme d'autres œuvres mettant en scène des monstres semblables (Comtesse Dracula (1971), Le cirque des vampires (1972)...). La concurrence va s'intensifier dans tous les pays : Le lac de Dracula (1971) de Michio Yamamoto au Japon, Le viol du vampire (1967) de Jean Rollin en France... Pourtant, la mode de l'épouvante gothique va finir par décliner face aux succès d'œuvres au ton nouveau, baignant le fantastique dans un contexte réaliste et contemporain : Rosemary's baby de Polanski, La nuit des morts-vivants (1968) de George Romero, L'exorciste (1973) de William Friedkin... tant et si bien que l'épouvante traditionnelle, jugée un peu démodée, va se voir de plus en plus traitée sous forme de parodies dans le style de Le bal des vampires, comme Frankenstein junior (1974) de Mel Brooks ou The Rocky horror picture show (1975).